J’aime beaucoup prendre du temps avec les personnes âgées ou les gens qui ont des histoires vécues du bon vieux temps. Je profite, tant que je peux, des gens qui m’entourent pour m’abreuver et tenter d’assouvir ma soif de découvrir, d’apprendre sur l’histoire, leur histoire, MON histoire.
À travers mes voyages, mes expériences, ma vie, j’ai vécu et croisé des personnes qui ont su attiser le feu qui brûle en moi. J’ai eu la chance de visiter l’Autriche qui a vu naître mon parrain. Ce dernier m’a raconté son vécu durant la guerre. J’ai côtoyé un bibliothécaire, du temps de mon secondaire, qui a su me transmettre son goût de l’aventure et de l’écriture. Il m’a partagé son « road trip », comme il aime à l’appeler, alors qu’il a traversé seul, d’un bout à l’autre, le sentier des Appalaches pendant 5 mois. Lors de mon séjour de 4 mois en Grèce, j’ai rencontré des paysans fort sympathiques avec lesquels j’ai pu partager autant que la barrière des langues m’a permise.
J’aimerais vous partager, ici, un autre souvenir de mon voyage en Europe.
Durant un temps d’arrêt de mon périple à vélo, j’ai fait du bénévolat pour l’organisme « Les p’tits Frères des Pauvres de Paris » avec une trentaine de personnes âgées; juives, russes, allemandes, françaises, toutes nationalités confondues et environ 10 bénévoles tout aussi disparates, nous sommes allés passer environ 2 semaines au Château de Pothières, en Côte-d’Or. De ce séjour magnifique, ou j’ai pu, encore une fois, m’imprégner du vécu et des souvenirs des autres, je retiens l’histoire du grand livre.
Dans ce château, au nombre incalculable de chambres et de pièces, se trouve un grand livre. De mémoire, il a été écrit par l’un des descendants du château avant qu’il ne le cède, pour la somme symbolique de l’équivalent d’un dollar, à l’organisme des P’tits Frères. Ce livre fut écrit avec sa mémoire et ses yeux d’enfant.
Il raconte l’histoire de chacune des pièces et la vie qui régnait au château à cette époque.
Dès l’ouverture de la couverture, je me souviens avoir humé ses effluves (comme je faisais du temps de la petite école lorsque je recevais une copie encore chaude d’une feuille stencil).
Le narrateur nous invite à prendre les grands livres et à circuler dans les aires du bâtiment. Tout de suite, je suis emportée dans le passé et m’imprègne des souvenirs de l’enfant.
Dans la cuisine, je constate que la table d’étal a du vécu. Le fumet des chaudrons me fait saliver. La grosse cuisinière à deux ponts me rappelle celle de ma grand-mère. Je reviens au livre qui m’invite à passer dans la salle à manger. La table est immense et je peux m’imaginer les convives attablés et les domestiques affairés à servir le repas.
Je traverse une double porte à galandage pour me retrouver dans la salle de musique. Plusieurs divans antiques ornent la pièce et au beau milieu j’aperçois un piano à queue. Je peux entendre la mélodie et le froissement des grandes robes se balancer au rythme d’une valse.
Une autre porte me mène dans une vaste pièce où sied un majestueux escalier qui se divise en 2 parties pour monter aux chambres. Chacune d’elle est décorée au goût d’antan. Comme le livre l’indique, chacune d’elle a de petites particularités que l’enfant nous fait découvrir. Le récit est tel que parfois, je m’y laisse prendre et me retrouve à chausser ses bottines !
Pour clore la visite, je termine dans le somptueux salon ou trône un foyer. Deux lions encadrent ce dernier.
Le petit garçon nous invite à faire un bon feu dans l’âtre de la cheminée et à regarder les têtes de lions s’animer aux reflets de la lumière dégagée. On dirait presque que les félins nous regardent et nous enveloppent de leur tendre regard.